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glen or glenda

Publié le par Kolia

Ma perversité étant proverbiale, personne ne sera étonné d'apprendre que je me suis lancé seul dans le visionnage des cinq films les plus connus d'Ed Wood. Mais il faut quand même admettre que pour le coup, j'ai réussi à dépasser les limites que je m'étais imposé.

Ed Wood est essentiellement connu, et vénéré - surtout par ceux qui n'ont pas vu ses films, comme le plus mauvais réalisateur de tous les temps. Pour avoir regardé en entier son oeuvre la plus connue, Plan 9 from Outer Space, il y a quelques années, je peux vous dire que cette réputation n'est pas usurpée.

Personnage rendu populaire gràce au film éponyme de Tim Burton (à l'époque où il faisait des bons films, et qui signa là un de ses meilleurs), certains éditeurs peu scrupuleux ont regroupé cinq de ses films dans un chouette coffret dvd que je me suis empressé d'acheter à sa sortie, il y a bientôt deux ans.

Mais comme ses films sont super chiants, j'ai trainé à les regarder.

D'ailleurs si je n'avais pas vu le film de Burton, qui rend le réalisateur très attachant, j'aurais coupé court à ma séance : c'est vraiment abominable.

J'ai donc commencé par Glen ou Glenda, qui raconte le quotidien des travestis aux Etats-Unis.

Car ce film se veut réaliste et objectif, Ed Wood veut montrer à la face du monde incrédule quel martyr vivent ces gens qui aiment s'habiller en femme, ou qui veulent changer de sexe - un phénomène qui touche pas loin de la moitié de la population américaine qui vit dans la honte, si l'on en croit le film.

Le film s'ouvre par la découverte d'un cadavre d'un homme habillé en femme par des policiers fatigués. Aux côtés du corps, un mot d'adieu : le pauvre travelo s'est suicidé. Puis on voit Bela Lugosi, crédité au générique comme "Le Scientifique", qui est assis dans un fauteuil, entouré  de têtes de mort, et qui déblatère avec conviction des inepties comme "regardez ces humains qui vaquent à leurs occupations" ou encore, sans trop de raison, qui hurle "TIREZ LES FICELLES", avec en surimpression des bisons qui fuient dans la plaine. Mais Bela Lugosi ne fait pas que s'asseoir sur un fauteuil : parfois, il déambule dans un laboratoire avec un tube à essai dans la main.

Puis sans transition, nous voyons un homme habillé en femme, Glen, nous apprend une voix off omniprésente, qui passe devant une boutique de vêtements pour femmes et qui s'arrête devant la vitrine. Ce même plan nous sera resservi quatre ou cinq fois pendant le film.

La voix off essaie de nous faire comprendre ce qui pousse un homme à s'habiller en femme : "Regardez un homme : quand il rentre du travail, il ne peut pas porter de vêtements pour se détendre, il reste engoncé dans son costume, alors qu'une femme, elle, peut porter une robe de chambre de satin très douce sur sa peau." Ce n'est pas exactement ce qui est dit, mais ça reste très proche. On notera l'argument très vieillot : de nos jours, si un mec veut se détendre, il enfile son survêt' et puis voilà.

A côté de ça, un fait-divers fait jaser toute l'amerique à un point tel que les tabloïds en font la une en tournoyant devant l'écran : un homme va changer de sexe. Tout le monde en parle, même les ouvriers d'une fonderie. Ed Wood, ayant récupéré des stock shots d'un documentaire quelconque sur une acierie, couvre ces images initéressantes d'un dialogue lénifiant entre deux collègues :

"Salut John.

-Salut Tom.

-Tu as vu cet homme qui veut changer de sexe?

-Oui, c'est incroyable.

-Moi ça me dégoute.

-Pas moi, parfois c'est dur de vivre ce que l'on est vraiment."

Suit un blanc de plusieurs secondes.

"Encore une dure journée qui s'achève. Bonne soirée John.

-Merci Tom, à demain."

Et c'est comme ça tout le temps. Glen doit se marier avec sa fiancé mais ne sait pas si il doit lui avouer son penchant pour l'angora et les talons aiguilles ou lui cacher l'horrible vérité, et tout nous est raconté par cette voix off très molle. Glen va même voir un ami qui souffre de la même double vie, et Ed Wood nous montre une porte de cuisine pendant que les deux hommes parlent.

De temps en temps, Bela Lugosi revient en clamant des tirades incompréhensibles à base de green dragon, puppy dog tails and big fatty snails, vociférant à envie BEVARE OF THE GREEN DRAGON.

Et puis d'un coup, sans crier gare, le film bascule dans le grand n'importe quoi vaguement érotique sur fond de polka. Des femmes dénudées dans des positions lascives, un homme qui vient se frotter à l'une d'elles, un diablotin aux sourcils épais qui apparait et disparait, et Glen, ce pauvre Glen, qui arrive d'on ne sait où, entouré d'hommes et de femmes qu'on n'a jamais vu auparavant et qui le submergent de façon terrifiante, l'écrasent et le détruisent pour qu'il réapparaisse en femme, Glenda.

Ca dure un quart d'heure.

Et puis on voit un des detectives du début du film parler un psy, qui raconte comment un homme, Alan, a fait l'armée puis a changé de sexe parce qu'il se sentait mieux en femme, pour conclure sur une phrase qui m'a choquée par son bon sens : "vouloir être une femme est différent d'en être une, et Alan doit apprendre encore celà". Et le psy raconte l'histoire de Glen, comment celui-ci a réussit à s'accepter grâce à sa femme (dans une scène identique à celle du film de Burton, c'était très drôle de la voir jouée sérieusement), et comment il va mieux à présent.

Puis le psychiatre conclut :

"Ca se termine bien pour ceux-là, mais qu'en est-il des deux autres?

-Oui, renchérit le détective, qu'en est-il des deux autres?"

Et le film s'achève ainsi, sans que l'on sache qui était le travelo du début, ni même qui sont ces deux autres.

Merci Ed Wood. Une heure de ma vie envolée à jamais.

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T
Un film moins mauvais que l'on pourrait croire avec un thème assez osé, pour l'époque.
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H
Vos mots me font faire sploutch du dedans de mon caleçon.
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K
Merci. Je suis doué de ma langue.
L
Une seule heure ? Heureux homme !
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K
Une heure avec Ed Wood est une heure dilatée et étirée à l'infini. Je préfère une journée d'Ed Wood qu'une heure de travail ceci dit.
P
Tes mots me font jouir
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K
Merci. Ils me font jouir aussi.
N
me fait penser au rocky horror, le professeur. Mais peut-etre que ça devrait être l'inverse en fait.
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K
Ah ouais? Non, je ne trouve pas moi. PULL THE STRINGS! PULL THE STRINGS!